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Les Passagers du vent T9 - Clap de fin

Paru le 17.11.2022
L'actu BD

C’est un clap de fin pour la série Les Passagers du vent de François Bourgeon. C'est l’occasion de revenir avec l'historien Michel Thiébaut sur les prémices de cette série qui a révolutionné la BD historique.

Quarante-trois ans après le début des Passagers du vent, dans le journal Circus, en août 1979, paraît la seconde partie du dernier opus de la série, Le Sang des cerises, un livre album. Au cours de cette durée, le lecteur aura été porté par le vent de l’Histoire, de la fin de l’Ancien Régime au début de la IIIe République, un siècle plus tard.

Au tout début de l’aventure, le récit se suivait au rythme de la parution du journal, se donnant à lire comme un feuilleton. Et puis, après la parution du 5e album en 1985, l’histoire s’est interrompue… Après vingt-cinq ans, le retour des Passagers du vent s’est opéré sous la forme de deux volumineux ouvrages, analogues à des romans : 142 planches pour La Petite Fille Bois Caïman en 2010, 205 pour Le Sang des cerises en 2022. Cet espace de création, où le récit est développé en un grand nombre de planches, offre au conteur la possibilité de donner le meilleur de lui-même, sans contrainte de format, à la différence des albums précédents limités à 46 planches.

Extrait d’image n°1 Les passagers du Vent Clap de fin

Avec le temps, son récit est devenu saga. Aussi lui importe-t-il de tisser des fils entre les moments d’histoire vécus par ses deux principales héroïnes. À Isa, la fondatrice de la lignée familiale, le soin de rapporter la vie à bord d’un 74 canons au temps de la guerre d’Indépendance d’Amérique (La Fille sous la dunette et Le Ponton), à elle encore de témoigner de la traite négrière (Le Comptoir de Juda, L’Heure du serpent, Le Bois d’ébène), puis de nous faire vivre les prémices de la révolution dans la colonie de Saint-Domingue, avant de nous faire partager sa vie de jeune mère en Louisiane, au début du XIXe siècle, et enfin de mourir à 99 ans, dans une région ravagée par la guerre de Sécession (La Petite Fille Bois Caïman). 

Car les héroïnes des Passagers du vent vieillissent, ce qui est somme toute, des plus naturel... À son arrière-petite-fille, Zabo, ruinée par ce conflit fratricide américain, de nous entraîner à Paris, alors qu’éclate une autre guerre civile qui va la jeter dans l’enfer des bagnes des condamné/es de la Commune de Paris (Le Sang des cerises). 

Extrait d’image n°2 Les Passagers du Vent Clap de fin

Ce sont les bottes de sept lieux que chaussent Les Passagers du vent, pour nous transporter de l’époque de la naissance d’Isa, sous Louis XV où l’on s’éclaire à la bougie, à un monde qui célèbre la fée électricité lors de l’Exposition universelle de 1889, parcourue par Zabo. Cette manifestation est une véritable vitrine des progrès de la technique : un bienfait pour les uns, lorsque le chemin de fer permet de se déplacer plus aisément ; une infortune pour les autres, lorsqu’une petite bonne bretonne, Klervi, se retrouve à Paris, livrée à des souteneurs dans un Montmartre écumé par les fêtards… Mais où commence, aussi, à se développer une vie artistique intense. 

Avec Klervi, qui fait son apparition en 1885 dans Le Sang des cerises, et va s’intégrer dans la famille d’Isa, nous arrivons, par une nouvelle enjambée, à notre époque, en 1953. À ce moment, étrange circonstance, Klervi va croiser, au Père Lachaise, la route d’un jeune garçon de huit ans : l’auteur des Passagers du vent en personne ! 

Extrait d’image n°3 Les Passagers du Vent Clap de fin

De cette perspective tracée de façon précise et sensible par François Bourgeon, au moyen d’un art exceptionnel, l’historien peut faire son miel. L’occasion lui est alors donnée d’analyser, dans trois monographies, Les Chantiers d’une aventure, Le Chemin de l’Atchafalaya, Dans le courant de la Commune, la relation subtile que Les Passagers du vent entretiennent avec l’Histoire — une ouverture culturelle indéniable, riche d’enseignements ! Mais il convient de ne pas être réducteur : l’intérêt des récits de François Bourgeon doit beaucoup à sa capacité d’insuffler du vivant à ses personnages, toujours attentif à leur psychologie. Car il s’agit pour lui de nous raconter des aventures humaines.

Découvrez l'ultime acte de cette saga culte