Sélection lecture - L'exil en BD
Exil, exode, déportation, bannissement ou déplacement de populations, autant de déracinements qui entrainent des traumatismes avec lesquels doivent composer les victimes ou les familles des victimes.
Parfois la reconstruction passe par le témoignage, parfois cela devient une force, souvent cela reste une blessure mais chaque exil est personnel et l’on doit composer avec. Certains ont choisi la bande dessinée pour le faire.
Auteurs en exil
Nombre auteurs sont en exil du simple fait d’exprimer une opinion dans un pays qui ne souffre pas la contradiction. C’est le cas de Lun Zhang qui dénonce dans TianAnMen 1989 ou dans Hong Kong, révolutions de notre temps les exactions du gouvernement chinois, ou de Can Dündar, journaliste turc exilé en Allemagne et qui signe la biographie Erdogan.


L’Allemagne est aussi la terre d’asile de l’incroyable Zehra Dogan qui transforme ses trois ans d’incarcération turque en combat dans Prison n°5.
Adjim Danngar, jeune auteur tchadien exilé en France quant à lui raconte dans Djarabane un épisode d’instabilité politique de son pays d’origine au travers de l’histoire de Kandji, un garçon qui se rêve artiste.
Témoignage d'un exil
Ces témoignages sont des désirs de partager une histoire pour que l’on n’oublie pas, que l’on sache, que ça n’arrive plus et la BD est le medium parfait pour ça. Les auteurs ne s’y sont pas trompé à l’image de Fabien Toulmé et L'Odyssée d’Hakim, de Séra et de son histoire personnelle développée au fil de ses livres : Lendemain de cendres, L’eau et la terre, Impasse et rouge ou sa nouveauté L’âme au bord des cheveux.
Moi je ne perçois que de loin ce dont je parle. Séra lui, y était !
Jacques Tardi
Les auteurs de La voiture d’Intisar et d’Intisar en exil racontent la quête de liberté d’une Yéménite moderne exilée en Jordanie quand Les oiseaux ne se retournent pas, de Nadia Nakhlé, traite de l’exil forcé des mineurs. Paroles sans papiers ou Un pays dans le ciel eux abordent les conditions atroces d’une vie en transit et Hmong se penche sur le sort de ce peuple qui a vécu une diaspora provoquée par la guerre. La lecture de Jusqu’à Raqqa, ce témoignage d’un français parti combattre l’Etat islamique en Syrie dans un conflit engendrant des déplacements de populations s’intéresse à l’une des sources de l’exil alors que À qui profite l’exil ? de Taina Tervonen et Jeff Pourquié décrypte le business autour de l’horreur.

Se construire après un exil
La résilience passe par la prise de conscience d’un traumatisme pour apprendre à se construire et tenter de démontrer qu’il n’y a pas de fatalité dans ces errances forcées. Les ouvrages qui suivent racontent comment, à leur manière, leurs auteurs ont fait de ces exils ou de ceux de leur famille une pierre sur laquelle construire leur avenir à l’image de Lucie Quéméner qui raconte l’opposition entre émancipation et héritage culturel dans Baume du tigre.

Les protagonistes de Retrouver Ganesh ou La boîte de petits pois sont parvenus à profiter de cette vie déplacée pour en faire une force et devenir Sarath Amarasingam, le chorégraphe franco-srilankais reconnu, et l’autre Giédré, la chanteuse à succès.

Parfois l’exil est un héritage familial avec lequel il faut composer, ainsi dans Le bourdonnement d’un moustique, Savari, une jeune orpheline indienne adoptée par des parents français va changer de langue, de culture et de pays pour une autre vie. Miguel Francisco, espagnole vivant à Helsinki raconte à son fils la guerre civile espagnole, le franquisme, l'exil en Argentine de sa famille pour mieux combler dans leur histoire Des Espaces vides.