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Une Histoire populaire de la France - Interview de Gérard Noiriel

Paru le 15.09.2021
L'actu BD

Et si, pour une fois, l’on parlait du peuple plutôt que des puissants ?

Non pas une « histoire à la papa » qui fait la part belle aux rois et reines, mais bien le récit de la France d’en bas, des paysans et des ouvriers, des hommes et des femmes qui, eux aussi, ont façonné notre pays. Une Histoire populaire de la France est un récit graphique en deux parties par Clément Xavier, Lisa Lugrin et Alain Gaston Rémy. Le second volume paraîtra en mars 2022.

Présentation de Gérard Noiriel, l'auteur de l'œuvre originale

Directeur d’études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Gérard Noiriel n’est pas un historien comme les autres. Il débute comme instituteur dans les Vosges avant de devenir militant puis d’entreprendre des études d’Histoire à l’université. Deux de ses frères sont ouvriers. Durant de nombreuses années, il participe à de nombreuses luttes sociales, en particulier à Longwy, avant de quitter le Parti Communiste avec lequel il est en désaccord.

Son premier grand sujet d’étude est l’histoire de l’immigration. À partir de 1990, il réalise notamment une quarantaine de documentaires pour la série télévisée Racines, sur FR3. Mais c’est surtout à travers son travail sur L’Histoire populaire de la France que Gérard Noiriel marque les esprits. Sorti en 2018 aux éditions Agone, l’essai entre directement en tête des listes des meilleures ventes de livres d’Histoire. Près de 30 000 exemplaires en ont été vendus à ce jour, ce qui est considérable pour un livre d’histoire scientifique.

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Son adaptation en bande dessinée s’inscrit dans le sillage de la fameuse Histoire populaire de l’empire américain d’Howard Zinn, adaptée en bande dessinée par Mike Konopacki et Paul Buhle. Un livre également best seller, puisque près de 100 000 exemplaires de la traduction française ont été vendus, toutes éditions confondues. Mais au-delà des chiffres, c’est bien le parti pris des historiens qui fait mouche.

L’idée : raconter l’histoire différemment. Non pas du point de vue des puissants rois, reines, ecclésiastiques ou chevaliers ––, ainsi qu’on nous la raconte trop souvent, mais bien à hauteur d’homme, parmi le peuple. Une histoire populaire qui contient elle aussi ses gestes héroïques et ses personnages, hommes, femmes, autochtones ou immigrés, qui sont dignes d’intérêt. La France, c’est ici l’ensemble des territoires (colonies comprises) qui ont été placés, à un moment ou un autre, sous la coupe de l’État français.

Dans cette somme, Gérard Noiriel a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands événements et les grandes luttes qui ont scandé son histoire depuis la fin du Moyen Âge : les guerres, l’affirmation de l’État, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques et les crises, l’esclavage et la colonisation, les migrations, les questions sociales et nationales. Une autre histoire dont se sont emparés Clément Xavier et Lisa Lugrin, au scénario, Alain Gaston Rémy au dessin et Marie Favantines à la mise en couleur.

Quel message voulez-vous faire passer à travers votre Histoire populaire de la France ?

Gérard Noiriel - L’ambition ultime de cette Histoire populaire de la France est d’aider les lecteurs non seulement à penser par eux-mêmes, mais à se rendre étrangers à eux-mêmes, car c’est le meilleur moyen de ne pas se laisser enfermer dans les logiques identitaires. La démarche historique permet de retracer la genèse des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

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C’est pourquoi j’ai privilégié les questions qui sont au centre de notre actualité, comme les transformations du travail, les migrations, la protection sociale, la crise des partis politiques, le déclin du mouvement ouvrier, la montée des revendications identitaires. Le but étant de mettre cette vaste réflexion à la disposition du plus large public.

N’est-ce pas une façon pour le peuple de se réapproprier son histoire ?

Pour moi, le “populaire” ne se confond pas avec les « classes populaires ». L’identité collective des classes populaires a été en partie fabriquée par les dominants et, inversement, les formes de résistance développées au cours du temps par « ceux d’en bas » ont joué un rôle majeur dans les bouleversements de notre histoire commune. Ce qui permet d’affirmer le caractère « populaire » de l’Histoire de France, c’est le lien social, c’est-à-dire les relations qui se sont nouées au cours du temps entre des millions d’individus assujettis à un même État depuis le XVe siècle.

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Que pensez-vous de l’adaptation de votre livre en bande dessinée ?

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Certains choix graphiques et de mise en scène du récit sont tout à fait réussis, amusants et bien trouvés. La bande dessinée respecte le sens particulier de la chronologie de mon ouvrage, cette perspective qui m’a conduit à débuter cette Histoire de France à la fin du Moyen Âge, c’est-à-dire au moment où l’État monarchique s’est imposé.

Ça n’était sans doute pas évident pour des auteurs de BD plus habitués à une certaine linéarité. L’adaptation de mon travail permettra sans doute de toucher un autre public. C’est l’un des intérêts de la bande dessinée.

Lire un extrait de la BD
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