Perpendiculaire au soleil – Le mot de Valentine Cuny-Le Callet
Valentine Cuny-Le Callet livre un premier roman graphique ambitieux, d’une émotion intense. Au-delà de ce récit très personnel, l’autrice, qui partage aujourd’hui sa vie entre les USA et la France, questionne frontalement les fractures de nos sociétés : du système carcéral à la place des personnes racisées dans les arts.
Perpendiculaire au soleil est le récit dessiné tiré d’une expérience que j’ai vécue et que je vis encore : ma correspondance et mes rencontres avec Renaldo McGirth, un homme condamné à mort aux États-Unis.


En 2016, à dix-neuf ans, j’ai décidé de m’engager auprès de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. L’ACAT m’a mise en contact avec Renaldo McGirth, âgé de vingt-huit ans, incarcéré en Floride. Renaldo a été condamné pour meurtre, sur le témoignage de ses deux co-accusés, qui ont obtenu en échange un allègement de peine. Il clame son innocence. De mon côté, j’essaie autant que possible de ne pas me préoccuper de cette question : j'ai la conviction que la peine de mort ne devrait exister sous aucun prétexte.
Au fil de notre correspondance, j'ai découvert que Renaldo a une pratique assidue du dessin et de l'écriture, qu'il s'efforce d'enrichir malgré les nombreuses contraintes imposées par la prison. Nos échanges sont rythmés par des évènements parfois douloureux, comme la mort de son meilleur ami, abattu en pleine rue, et des moments heureux, comme les visites de sa petite sœur, à qui il a lu tous les livres pour enfants disponibles dans la salle de visite.


En novembre 2017, j'ai rendu une première visite à Renaldo dans le couloir de la mort. C'est à ce moment-là que j'ai ressenti le besoin de raconter et mettre en images notre amitié. Je voulais en quelque sorte donner à voir l’invisible, cet univers carcéral qui cherche à tout prix à dissimuler ce qui se passe derrière les murs. J'ai proposé à Renaldo de réaliser un récit graphique mêlant nos textes et nos dessins.
Bien que Renaldo soit co-auteur de ce livre, seul mon nom figure sur la couverture, à mon grand regret. Aux États-Unis - comme en France - la loi empêche une personne condamnée de tirer un profit financier du récit de son crime. Cette loi est parfois invoquée pour interdire aux condamnés la publication d'écrits autobiographiques, voire fictionnels.
Texte de Valentine Cuny - Le Callet extrait de Bande-Passante