Les fleurs aussi ont une saison - Interview des autrices Camille Anseaume et Cécile Porée
Camille Anseaume, autrice, et Cécile Porée, illustratrice reviennent sur leur premier projet ensemble : Les fleurs aussi ont une saison. Entre la genèse du projet et leurs inspirations, découvrez l’histoire de ce touchant récit : un témoignage de vie entre chaos et joie.
Pouvez-vous nous raconter la genèse de cet album et votre rencontre ?
Camille Anseaume : On s’est rencontrées par une amie commune, Cécile venait d’apprendre qu’elle était enceinte, et de perdre coup sur coup sa grand-mère et sa mère. Je trouvais déjà que sa vie était sacrément mouvementée, j’ignorais (et elle aussi) que ce n’était que le début. Bon ok, le milieu.
On a très vite eu envie de mener un projet ensemble, sans réussir à se fixer sur un en particulier : j’avais envie qu’on raconte ensemble cette histoire, alors en attendant que Cécile soit d’accord, j’acquiesçais mollement quand elle me branchait sur des histoires de sorcière moderne ou de pot à crayons qui parlent.
Cécile Porée : Oui j’avais plein d’idées d’histoires qui n’avaient rien à voir, et puis à force d’encouragements, voire de menaces, de la part de Camille, j’ai fini par réaliser que l’idée de raconter la mienne n’était pas si inintéressante. Mais la condition était de le faire avec elle.

Pourquoi une BD ?
Camille : L’idée était de réunir nos deux passions pour le dessin et pour l’écriture. Il nous fallait une histoire, et la vie s’est chargée de nous l’apporter. (C’est pas pour autant qu’on va la remercier parce qu’il y a sans doute quelques épisodes dont Cécile se serait bien passée) (enfin je m’avance un peu, mais je crois).
Cécile : En effet, on s’en serait bien passés mais bon, c’était fait alors autant utiliser le vécu pas terrible pour en faire quelque chose de créatif ! De mon côté la BD a toujours été une passion en tant que lectrice, et un rêve en tant qu’illustratrice, alors le médium était tout trouvé.

Comment entrer ou laisser entrer une tierce personne dans cette touchante intimité ?

Camille : En évoquant des sujets aussi délicats que la maladie et le deuil, on avait constamment en tête la nécessité d’avancer avec prudence, de raconter avec pudeur. Comme si parfois on laissait la lectrice ou le lecteur à la porte de la chambre d’hôpital, ou de laquelle on s’enferme pour pleurer.
Ce sont des sujets à la fois très intimes et universels, et on souhaitait qu’ils résonnent chez chacun : qu’ils évoquent une situation, un souvenir, une relation, une émotion. On a souhaité être les plus sincères possibles, tout en conservant une forme de politesse dans le désespoir.
Le livre est truffé de trouvailles graphiques incroyables (la boule à neige, la couverture de rire, les gardes anglais). Elles sont visiblement nourries de beaucoup de lectures. Quelles sont vos inspirations à toutes les deux ?
Camille : On a des sensibilités proches, et on parle le même langage, qui est souvent imagé. Certaines de ces trouvailles viennent sans doute de là, j’adorerais m’en attribuer plein mais il faut que je me souvienne qu’avant ce projet, je ne connaissais de la BD qu’un certain chien blanc (Milou, je crois ?), alors que Cécile est hyper calée en la matière et forcément nourrie par plein de références.
Cécile : Je ne sais pas si je suis hyper calée mais en tous cas j’adore lire de la BD depuis toujours, et aussi des livres pour enfants. Je crois que c’est le mix de ces deux types de vecteurs d’émotions qui m’ont donné des idées variées. J’aime quand les pages ne sont pas toutes sur le même modèle et quand on est surpris en les tournant.

Pourquoi ce titre ?

Camille : Quand Cécile m’a raconté l’enterrement de sa mère, elle m’a dit sa tristesse de ne pas pouvoir décorer sa tombe avec les fleurs qu’elle aimait tant. Au petit blanc qui a suivi, elle a dû saisir que je ne comprenais pas pourquoi, et elle m’a dit « Les fleurs aussi ont une saison. » J’ai trouvé ça très beau, on peut penser cette phrase en volume (le printemps, le renouveau, les fleurs, les changements de saison) mais aussi en creux : le manque, l’attente, l’impossibilité,
Cécile : En fait ce titre n’a pas du tout été simple à choisir mais quand on l’a trouvé c’était comme une évidence. C’était un morceau de phrase du livre et on l’avait sous le nez depuis le début sans le voir.