Le genre du capital - Le mot des autrices
Le Genre du capital est le premier fruit de la rencontre entre les Éditions La Découverte et Delcourt. L’ambition de cette nouvelle collection, dirigée par Sylvain Venayre, historien et scénariste, est de faire dialoguer le meilleur de la recherche contemporaine en sciences humaines et sociales avec le 9e art. C’est ce qu’ont réussi avec brio les sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac en travaillant avec l’autrice de BD Jeanne Puchol. Lisez dans cet article les témoignages des scénaristes sur l'origine de ce projet.
Nous nous intéressons à la place du patrimoine dans la reproduction du statut social des familles. On s’est rendu compte que les stratégies de transmission qu’on observait reposaient sur des rôles masculins et féminins, et aboutissaient à des inégalités de richesse entre femmes et hommes. Les inégalités de classe allaient de pair avec les inégalités de genre. Thomas Piketty montre que les inégalités de patrimoine augmentent, en même temps que le poids de l’héritage dans la richesse des ménages. Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq ont montré depuis que, contrairement aux idées reçues, les inégalités entre femmes et hommes augmentent aussi. Nos recherches éclairent le lien entre ces évolutions.
Cela fait plus de 20 ans que nous travaillons sur l’économique dans la famille. Céline Bessière a fait sa thèse sur le maintien des entreprises viticoles à Cognac, Sibylle Gollac sur les stratégies immobilières familiales. Ensuite, on s’est concentrées sur les héritages et les séparations conjugales. Dans le cadre d’une enquête collective sur la justice aux affaires familiales, on a été plusieurs dizaines de chercheuses à observer des audiences au tribunal ou des rendez-vous de juristes avec leurs clientes et clients, à consulter des centaines de dossiers judiciaires.
On a croisé des familles monoparentales tenues à bout de bras par des femmes de ménage mais aussi la 20e fortune de France. Les femmes ont partout des positions économiques plus fragiles. Certaines familles populaires possèdent des biens – un bout de terrain, un bungalow – et il y a à la fois des proximités et des différences entre ce qui s’y joue et ce qui se joue dans les familles de la grande bourgeoisie.
En quelques cases, avec décors, costumes et accessoires, Jeanne Puchol fait réapparaitre des scènes que nos notes décrivaient de façon bien plus laborieuse. La présence des sociologues qui observent ces scènes devient aussi visible. La BD réussit à donner à voir les principaux résultats du livre, les histoires et les affaires de famille qui les nourrissent. Elle rend accessible, aussi, des discussions théoriques.
Mais, en plus, elle donne à voir les coulisses de la recherche, comment on a mené l’enquête, la cuisine de la production des chiffres et de l’analyse sociologique. Le travail d’équipe a encore payé !
