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La Petite Lumière – Interview de Grégory Panaccione

Paru le 09.05.2023
L'actu BD

« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant ». Le récit d'Antonio Moresco met en scène un homme vieillissant qui a décidé de s'extraire du monde. Grégory Panaccione nous livre une belle adaptation du récit La Petite Lumière, lisez dans son article son interview.

Comment as-tu découvert le travail d’Antonio Moresco et pourquoi avoir choisi ce livre de lui ?

Je commençais à travailler sur le projet de Daniel Pennac, Cabot-Caboche, et je m’intéressais à lui et regardais ses interviews. Dans une vidéo, il parlait de ce livre, La Petite Lumière d’Antonio Moresco. Il racontait le début : un homme seul voit tous les soirs une petite lumière et décide de partir en quête de la source. Il arrive jusqu’à une maison où vit un petit enfant. Daniel Pennac s’arrêtait là, il en disait juste ce qu’il fallait, il était très intrigant, alors j’ai acheté le bouquin pour le lire. Quand j’ai rencontré Daniel, nous avons parlé du livre, il en a fait une très belle publicité sans connaître Antonio Moresco.

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Au départ, je n’ai pas pensé à faire une adaptation : le livre était assez fort et je pensais que ça n’aurait rien apporté de l’adapter en bande dessinée. Pendant deux ans je n’y ai pas pensé et un jour un copain m’a dit que ce livre était parfait pour moi et que je devrais l’adapter. J’ai commencé à y réfléchir et j’ai contacté Antonio Moresco.

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On s’est rencontrés, je lui ai montré ce que je souhaitais faire et il m’a dit : « essaye ». Alors j’ai fait le découpage, ça lui a plu, j’ai poursuivi et le définitif lui a beaucoup plu. Il a reçu des exemplaires du livre, il m’a appelé et il était très ému.

Il m’a proposé une autre histoire à adapter : Fable d’amour est un roman que j’avais lu. On attend de voir comment est reçu La Petite Lumière avant de se lancer dans ce nouveau projet.

Tu n’en es pas à ta première adaptation de roman. C’est un exercice très différent de celui qui consiste à partir d’un scénario classique ? 

C’est complètement différent. Quand tu travailles tout seul, tu es dans le vide total : pour faire naître une idée, il faut vraiment y croire. Tu perds beaucoup de temps à décider dans quelle direction aller. Au contraire, quand tu adaptes un roman, tu as une base et tu ne perds pas autant de temps.

Selon le livre, l’exercice est différent. Par exemple, pour mon album Quelqu’un à qui parler paru au Lombard, l’adaptation fut très facile, car le roman de Cyril Massarotto est écrit comme un film : tous les éléments sont présents. Alors que dans Cabot-Caboche, il y avait beaucoup de choses à imaginer et à inventer. Ça se rapproche un peu du travail à effectuer sur un de mes scénarios.

Pour La Petite Lumière, j’ai pratiquement suivi à la lettre le livre d’Antonio Moresco. Au début, je voulais changer des choses, mais en parlant avec Antonio je me suis rendu compte qu’il préférait que ma BD soit la plus fidèle possible à son livre, ce que je peux comprendre.

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La Petite Lumière est une histoire tout en lenteur, en ambiance. Ton travail sur la lumière est particulièrement remarquable sur cet album, tu as eu une approche particulière ?

Je me suis inspiré de lieux que je connais dans la région de la Ligurie, en Italie près de Nice. Il y a plein de villages abandonnés là-bas que j’ai photographiés et je me suis inspiré de ces photos. Je m’imaginais le livre dans la nature, dans le vert. Au départ, j’imaginais que le récit se passait uniquement en été mais Antonio a insisté pour conserver une temporalité sur quatre saisons. Je préfère faire des dessins intuitifs, car si je trouve des choses trop précises qui donnent trop de caractère, je perds le côté symbolique. Dans le roman, on ne sait pas où se situe l’histoire et je voulais que ça soit pareil pour la BD. Par exemple, pour Un Océan d’amour, j’ai repris les clichés qu’on peut avoir sur la Bretagne. On sait que ça se passe en Bretagne, mais on ne sait pas où exactement.

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J’ai décidé de travailler traditionnellement, je l’avais déjà fait sur Cabot-Caboche mais j’avais apporté des retouches à l’ordinateur. Je me suis inspiré de Nicolas de Crécy, j’ai même utilisé le même matériel que lui, un Platinum, une espèce de stylo-plume qui fait un trait presque uni. J’ai changé de technique car sur Cabot-Caboche et Chronosquad, j’utilisais un pinceau alors que là, j’obtiens un trait plus fin, j’ai un crayonné plus léger également et j’ai fait les couleurs à l’aquarelle.

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Pour les aquarelles comme pour le papier, j’ai demandé conseil à un ami, Thomas Campi. Je voulais des couleurs qui aient de la matière et j’ai utilisé des aquarelles anglaises. Le papier est également important car il y a beaucoup de couleurs sombres. Après avoir échangé avec mon éditeur, nous avons utilisé un papier couché plutôt qu’un offset.

Lire les premières pages

Dans le livre, il y a des scènes très sombres, par exemple celle de l’école. Dans le roman, ces scènes sont décrites ainsi et je voulais conserver cette noirceur dans l’album et avoir des planches toutes sombres. Je suis content du rendu, j’aime avoir entre les mains un livre un peu bizarre où on ne voit pas grand-chose parfois mais on devine.

Le plus gros travail sur cet album a été le storyboard. J’ai choisi de raconter l’histoire de la façon la plus fluide et simple possible. Je m’intéresse beaucoup aux storyboards de Miyazaki, et je voulais être le plus classique possible dans la narration pour que le fond du livre ressorte mieux.

Selon la sensibilité de chacun, on ne sort pas indemne de la lecture de La Petite Lumière.  Qu’est ce qui a résonné en toi lorsque tu l’as lu ?

À la lecture du roman, même si je ne comprenais pas tout, je sentais qu’il y avait toute une structure au niveau des émotions. Antonio Moresco a un don pour instaurer du suspense alors qu’il ne se passe pas grand-chose, c’est un peu comme un thriller alors que ce n’est pas du tout un thriller. Ce qui est vraiment très curieux, c’est qu’il y a des passages auxquels tu ne t’attends pas du tout : il n’y a rien qui nous prépare à ça, il y a plein de surprises. Antonio n’a pas un cadre prédéfini, il ne rentre pas dans un registre défini. C’est aussi l’homme de la première phrase : dès que tu lis la première phrase tu es obligé de continuer. J’ai d’ailleurs conservé cette première phrase dans la BD. J’aimais aussi l’idée que ça soit un huis-clos, avec peu de personnages, pour que l’attention soit concentrée sur chaque personnage.

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Ton projet sera une adaptation ? Une oeuvre originale ? Peux-tu nous en parler ?

Depuis deux ans, je travaille sur des choses pas faciles. En ce moment, je travaille sur un projet où je suis tout seul, qui parle de la vie après la mort. C’est un sujet pas facile non plus et qui m’intéresse beaucoup, la mort, ce qui se passe après la mort. Et je m’intéresse aussi à la manipulation de masse. Ce sont mes deux sujets du moment.

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