L’obsession du pouvoir – Interview de Gérard Davet et Fabrice Lhomme
Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes d’investigation français au quotidien Le Monde, font trembler les présidents au gré de leurs enquêtes. Avec L'obsession du pouvoir, ils proposent avec au dessin Pierre Van Hove, une BD d’immersion au coeur du pouvoir politique.
Pourquoi vous-êtes vous lancés dans une BD ?
Nous avons toujours voulu décrire les coulisses du pouvoir, et rien ne vaut un dessin. Ce n’est pas un hasard si nos enquêtes dans le journal Le Monde sont régulièrement, à notre demande, illustrées par des dessins réalistes. Il nous a donc semblé logique de nous lancer dans l’aventure de la BD, pour raconter au mieux le pouvoir, ses travers, mais aussi ses vertus.
Ces temps derniers, de nombreuses bandes dessinées ont joué la carte de l’enquête ou du reportage, y compris dans l’univers politique. On essaie donc d’apporter notre contribution, en racontant la rivalité, sur 25 ans, de Sarkozy et Hollande, que nos enquêtes nous ont amené à rencontrer, souvent. Comme l’irruption de Macron, qui nous a tous bousculés, ses deux prédécesseurs les premiers...

Écrire un scénario, est-ce différent d’un article ?
Les deux exercices n’ont rien à voir. Il nous a fallu apprendre à synthétiser le propos, à imaginer les textes représentés en dessins, à chercher des scènes et des dialogues, à créer des liaisons entre les pages. On a tâtonné, refait plusieurs fois le scénario… On était très humbles devant l’exercice : un article, on savait à peu près faire, un scénario de BD, beaucoup moins. On a appris, tout simplement.


Seul point commun avec le journalisme, en tout cas celui que l’on pratique, on a vraiment tenu à ce que les phrases prononcées par les présidents Hollande, Sarkozy ou même Macron soient les plus fidèles possibles à la réalité. De même, les faits relatés, comme l’envers du décor, reflètent notre réalité. Nous voulions une BD d’immersion, et pas une fiction. On en dit le maximum, mais sans porter atteinte, par exemple, au secret de nos sources, évidemment.
Pourquoi s’être représentés dans la BD ?
On s’est longtemps posé la question. Au départ, ce n’était pas notre souhait, c’est notre éditeur Vincent Bernière qui en a eu l’idée. On a réfléchi, écouté ses arguments. Et on en est arrivés à la conclusion que l’un des liens entre Sarkozy, Hollande et Macron, c’était aussi notre duo de journalistes et nos enquêtes. Tous trois nous connaissent et ont eu à « subir » notre travail. On a donc choisi de tenter de raconter le journalisme d’enquête à travers cette BD, nos erreurs aussi, nos failles, nos interrogations, tout en restant dans l’optique de décrire ce sentiment qui unit les trois présidents : l’obsession du pouvoir.


Une obsession que, d’une certaine manière, nous partageons, mais pas celle de l’exercer, juste d’en décrire les dessous ! On a bien en tête que nous ne sommes que des vecteurs, des observateurs. Les acteurs, ce sont eux, les trois présidents. Est-on à l’aise avec cette idée de nous représenter, même si Pierre a fait le maximum ? A vrai dire, non ! Mais c’était le prix à payer…
Les hommes politiques sont-ils obsédés par le pouvoir ?
Nombre de femmes et hommes politiques de haut rang sont obsédés, voire même possédés par le pouvoir. C’est grisant, le pouvoir, surtout à l’Élysée : on décide du sort des autres et du devenir d’une nation. Attention, le personnel politique n’est pas mû que par cette obsession, ils partagent aussi, l’envie de se battre pour le bien commun, en usant de recettes qu’ils croient bonnes, quelle que soit leur appartenance partisane. Mais ils demeurent obsédés par l’accession au pouvoir, ce qui débouche sur des guerres d’ego, et même parfois des haines profondes. On trouve tous les sentiments en politique, ils sont juste exacerbés. C’est pour cela qu’il est si difficile aux « politiques » de décrocher, de prendre une retraite et de s’y tenir.

Interview de Gérard Davet et Fabrice Lhomme pour Bande-Passante