George Best – Le mot de Vincent Duluc
Best est au foot ce que les Beatles furent à la pop : l'incarnation du génie et de la folie des 60’s. Lors de ses funérailles, on a pu lire : "Maradona good ; Pelé better ; George Best."
Vincent Duluc est grand reporter au journal L'Équipe, spécialiste du football et de son histoire. Il a publié de nombreux romans ayant tous trait au sport dont le livre George Best, le cinquième Beatles. Kris et Florent Calvez ont adapté ce roman en bande dessinée que vous pouvez retrouvez dès maintenant en librairie.

« Le cinquième Beatles » remonte aux sources de mon amour du football, des voyages, de la musique, des filles et de l’Angleterre, à un âge où j’idéalisais chacun de ces domaines sans les connaître vraiment. Dès les premiers voyages, l’initiation avait bouleversé mes repères pour toujours, les déplaçant de l’autre côté de la Manche, là où le foot était une cérémonie bruyante et magnifique, là où le public chantait si bien que mes rares poils se dressaient sans jamais retomber. Et là où jouait George Best, du moins là où il avait joué, parce que lorsque j’étais arrivé là-bas, il était déjà une rumeur, il fallait avoir la foi et croire qu’il ferait son apparition, comme prévu, le samedi après-midi.

Ce livre sur George Best commence comme un récit initiatique et s’ouvre sur le destin sans pareil d’un génie du jeu qui avait toujours soif et jamais sommeil. Ce livre mêle la mythologie du jeu, l’aura d’un homme et l’exotisme d’une île dans les années 70, que l’on rejoignait en train, en bateau, en bus, avec les garçons et surtout avec les filles de la classe. Ce football et l’Angleterre étaient inséparables de la musique, celle que l’on allait chercher chez les disquaires de Londres sans toujours savoir s’il fallait faire confiance à la mode, ou alors à la pochette, juste avant que quelques passeurs de nos connaissances nous orientent vers le beau en nous apprenant le monde, de quelques lignes décisives dans les journaux.

J’ai toujours eu de l’admiration et vraiment de la tendresse pour George Best, pour l’électricité de son jeu et la flamboyance de son personnage, qui incarnaient une époque en même temps qu’elles la nourrissaient. J’ai écrit ces longues lignes sur George avec des images sous les yeux, et surtout dans la tête, et c’est une émotion forte que de voir ces images transposées en planches de bande dessinée, qui perpétuent sa grâce et ressuscitent son mouvement.

J’ai écrit la légende des photos fascinantes qui ont porté à travers les âges la trace de sa beauté plastique, de sa fragilité, de ses excès, de l’éclat de son regard quand il était en compagnie charmante, de la barbe qui disait son renoncement à dormir chez lui et camouflait tous les matins où il n’avait pas eu le temps de se raser avant d’arriver en retard à l’entraînement.
Je dois confesser que, initialement, j’avais raconté l’histoire de George sans m’en mêler vraiment, sans intervenir, à la troisième personne. J’avais compilé tout ce j’avais vu, tout ce que j’avais lu, tout ce que j’avais ressenti en marchant sur ses traces, de Manchester à Hermosa Beach, de Belfast à son pub le Phene Arms, à Chelsea, et j’avais rencontré ses anciens proches, dont son ancienne femme, Angie, qui avait dans le regard l’amour qui reste, longtemps après, quand tout est fini. Mais chez Stock, mon éditeur, on m’a assuré qu’il manquait quelque chose, et c’est comme cela que j’ai fini par oser écrire quelques pages à la première personne, un tourment quand on passe sa vie à raconter la vie des autres.

Texte de Vincent Duluc pour Histoire & Histoires